Créé en 1987 à la Maison de la Culture de Saint-Etienne, le Festival des Musiques Innovatrices, donne chaque année à découvrir un choix de pratiques et d’émergences musicales issues d’un champ qui depuis plus de trente ans ne cesse de s’élargir.
L’évènement a en 1997 rejoint Art dans la Ville, manifestation proposant une multitude d’expositions et d’installations en des lieux du riche tissu industriel stéphanois (friches, galeries alternatives, ateliers d’artistes, espaces singuliers).
Ainsi, l'espace d'une dizaine de jours, Saint-Etienne devient la capitale des recherches contemporaines les plus irréductibles, l'exigence tout comme l'internationalité de ses choix la hissant à la hauteur des grandes métropoles.
Bruno Meillier, directeur artistique ainsi que musicien bourlingueur possède la capacité et suffisamment d'ancienneté afin de donner chaque année une nouvelle impulsion à ce balayage musical sans égal.
Que les compositeurs ou les ensembles invités viennent du domaine composé ou improvisé - le Festival des Musiques innovatrices engage avec le spectateur une relation basée sur l'émotion, la dissidence ou l'égarement, assurément loin des sentiers battus, à l'image des trois ornithorynques, animaux hybrides qui ornent son nouveau logo.

Trio dignement éprouvé à la pratique de l’improvisation libre, excellant dans l’art du silence et du contrepet sonore. De là à en déduire que la rencontre de ces trois lyonnais, intitulée ainsi en hommage au livre de Pierre-Jean Jouve dans lequel l’héroïne est éponyme, est acousmatique, harmolodique ou rigolote, il y a un grand pas… que nous nous garderons bien de franchir !

Belle longévité pour le quartette européen – leur dernière participation aux Musiques Innovatrices remonte à une douzaine d’années – qui survécut à tous les aléas de la vie de groupe. Dans la mouvance d’un art-rock serré de près (vive les mesures composées), leur cinquième album, paru l’année dernière sur le label de Chris Cutler accorde les fulgurances des quatre musiciens en une imbrication improvisation-composition radieuse et contrôlée.
À écouter : “Altrastrata” (ReR/Orkhêstra)
Plus d’infos : www.paed.ch

Leurs improvisations bruitistes et gestuelles jouent sur une fragilité et un décalage revendiqués. Elles font la nique au «savoir-faire». Objets sonores récupérés et habilement détournés. Grattements, souffles, halètements, bris de verre, grincements de dents s’ajoutent à divers travaux manuels. Tandis que les brocolis jouent des castagnettes et que Jdanov rôde dans les ruines du mur de Berlin.
Plus d’infos : fradolcino.free.fr

Mini-festival dans le festival, autour d’un jeune label de Melbourne, ville ayant enfanté des personnalités musicales aussi illustres que Grainger, Keith Humble ou Daevid Allen. Issus des scènes électro-acoustiques et expérimentales, les artistes de Synaesthesia développent une approche basée sur l'aspect sculptural de la matière sonore.
À écouter : Anthony Pateras/Robin Fox “Coagulate”, Snawklor “It Would Have Lived Here”, Mark Harwood “Wake in Fright” (Synaethesia/Metamkine), Anthony Pateras “Mutant Theatre” (Tzadik/Orkhêstra)
Plus d’infos : www.synrecords.com/

Anthony Patheras compositeur-prodige de la Musique Contemporaine, joué dans les festivals internationaux les plus prestigieux et Robin Fox, qui transpose les ondes sonores en ondes visuelles, pénétrant de ses graffitis nerveux et magiques (l’oscilloscope en délire) le corps et la psyché, taillent dans le feedback comme dans du beurre.

Mix de l’entre-deux, par le grand sorcier de Synaethesia, maître en l’art de cuisiner les textures et de faire éclore des mondes sonores inféodés.

Attaché au son pour le son, brut ou raffiné mais surtout tel qu’en lui-même, le duo finnois concocta ses premiers «philtres» sur le matériel analogique conçu pour eux par leur ami électronicien Geri Lehtinen. Suivirent pour ces Led Zep de l’électro la parution de trois albums et une carrière que ponctuèrent des collaborations avec Alan Vega, F.M. Einheit, Fennez, Björk ou Riuchi Sakamoto. Rythmes hypnotiques, fréquences distordues, des fontaines de bruit blanc se déversent en un goulet étroit là où d’obstinantes pulsations frappent à l’huis de notre plexus. De ces égouts résonnants pourrait être en train de rebondir tout un pan de la musique créative d’aujourd’hui.
À écouter : “V” avec Merzbow (Victo/Orkhêstra), “Kesto (234:48:4)” (Mute/Labels)
Plus d’infos : www.mute.com

Laurent Bigot, tel un Gulliver penché au dessus des lilliputiens, tour à tour monsieur loyal, dompteur ou grand démiurge ordonnateur, met en scène de surprenantes configurations sonores à l’aide de petits jouets, batterie de cuisine et autres ustensiles résonnants. Trajectoires aléatoires comme mouvements perpétuels sont captés puis mixés en direct sous ce chapiteau miniature qui se transporte en tous lieux. Deuxième concert de la série dite « chez l’habitant ». Goûter, rafraîchissements en prime, mais réservations obligatoires !
Plus d’infos : lesevolutionnaires.free.fr

Cette autre combinaison basse-batterie-saxophone, qui fit les beaux jours de Morphine, V-Effect ou Etron Fou, en passant par Odean Pope ou le Thomas Chapin Trio est, qu’on se le dise, de la dynamite pure. Cousins italiens de The Ex, Ruins ou Spaceways Inc. (avec lesquels ils viennent de signer un album à double trio), Zu à l’expérience de scène aguerrie par plus de 350 concerts de par le monde, nous assène un jazz-funk impitoyable à l’écoute duquel on ne peut rester indifférent.
À écouter “Radiale” (Atavistic/Orkhêstra), “The Zu Side Of The Chadbourne”, “Motorhellington” (Felmay/Orkhêstra)
Plus d’infos : www.zuism.com

Théâtre d’objets musical dans un haut-lieu du patrimoine ligérien. Réservations obligatoires.

Rompu depuis plus de quatre années à bon nombre d’impertinences musicales, ce power trio de souche rurale laboure consciencieusement les champs du rock, du jazz et des musiques populaires. De bons vieux airs d’antan ou des tubes niais des bals de village surnagent à la surface de cette tambouille fumante et frémissante.
Mais au delà des facéties auquel tout un instrumentarium abscons (tuyaux, arrosoirs, klaxon, graviers, sifflets perlimpinpin, paille à sons), tendrait à les réduire, ces trois polyinstrumentistes irrévérencieux, n’ayant nul besoin, non plus, des collaborations avec Yvette Horner, Arthur H ou Malcom Braff pour se signaler à nous, sont d’authentiques musiciens à la sensibilité énorme… ceci passant (à nos oreilles et à nos yeux) avant toute chose.
À écouter “Ouïrons nous” (Labelouïe/Abeille)
Plus d’infos : musicaouir.free.fr

Assis au milieu d’une forêt de tiges et de rondelles, Jéranium donne de l’élan à deux ou trois spirales de grosse taille oscillant sur une énorme plaque, lâche des boules de billard sur un pont fait de tringles suspendues, affole une toupie prise au piège des parois qui l’environnent. Avec la vigilance exercée d’un prêtre officiant, Jéranium sans un geste de trop, surveille, déclenche, dirige son orchestre de machines tel un seul homme. Les rouages de ces “mécaniques sommaires” nous émerveillent.

Dans la famille des saxophonistes bruitistes, laquelle comprend John Butcher, Stéphane Rives ou Bhob Rainey, Alessandro Bosetti, s’il fait figure de petit nouveau n’aura pas été le dernier ni le moins talentueux à répondre avec sa radicalité propre à l’interrogation posée depuis quelque temps par les sons électroniques. Véritables leçons d’acousmatique, ses derniers disques étayent des modulations de grains et de souffles, mélangent impacts de clefs et de tampons, échafaudent une musique cubiste faite d’arêtes vives et de plans coupés. Laissons nous aspirer jusqu’au centre du cône.
À écouter : “Berlin Reeds” (Absinth/Metamkine), “Placés dans l’Air” avec Doneda et Rainey (Potlach/Chronowax)
Plus d’infos : www.melgun.net/news.htm

Farouchement opposé à la ghettoïsation des genres, laquelle range le rock dans un style musical «léger» tandis qu’un all-electronics obligé dictate les goûts du public depuis le milieu des années 90, le duo austro-tchèque pratique syncrétisme contre saint crétinisme. En clair, deux guitares centrales servent d’axes à un répertoire de chansons harmoniquement transparentes nous conduisant vers des rivages similaires à ceux auxquels accostèrent Scrooge, Pluto, Gastr del Sol, Syd Barrett ou Can en d’autres temps.
À écouter "ground/lift" (karate-joe)
Plus d’infos : www.klingt.org/ground/lift

Kaffe Matthews effectue des prises de son sur le lieu du concert (ses murmures, ses bruits parasites, son silence) les renvoyant métamorphosées grâce à des traitements informatiques en temps réel. On ne compte plus en dix ans les concerts, installations, performances qu’effectua cette londonienne bourlingueuse qui développa une singularité créative au contact de Fennesz, Zeena Parkins, Marina Rosenfeld ou Eliane Radigue. Sa musique organique, artérielle (fluides sanguins, battements d’un pouls sonore) nous ouvre tout un monde introspectif de l’en-dedans.
À écouter “cd eb + flo” (Annetteworks/Metamkine)
Plus d’infos : annetteworks.com

Suite à l’écoute répétée de Zero-shiki, album solo de Sakamoto, Haco entreprit un véritable processus de reécriture, superposant les lignes mélodiques de ses nouvelles chansons aux arpèges du violoncelle, infiltrant les nappes de cordes d’hymnes à la gloire de la Nature, recouvrant la toile de part en part. Très productive depuis les années After Dinner (l’un des tout premiers groupes japonais à s’être exporté en Europe) jusqu’au trio féminin Hoahio, Haco, attendrissante Alice au Pays des Musiques Innovatrices, inscrit son parcours fragile à mi chemin entre kitsch nippon et expérimentations délicates.
À écouter “Ash in the Rainbow” (ReR/Orkhêstra)
Plus d’infos : www.japanimprov.com/haco

Déconstructeur émérite des sons, Kouhei Matsunaga a également été un collaborateur de Merzbow et le fondateur du label Flying Swimming. Entre tornades impétueuses, ondes de basses fréquences et autres décollages de fusée, Karkovski pratique à chacune de ses performances une sorte de massage sonore érigeant des barrières himalayènes de sons, afin de mieux les pulvériser la seconde qui suit. Fondateur du collectif noise-art Schimpfluch Gruppe, Rudo réfléchit encore sur ce qu’il va répondre à une telle déferlante sonore, peut-être se servir de sa boite à pizza comme laptop ? Quant à la musique de John Duncan, collaborateur de Chris and Cosey et de l’artiste Paul Mc Carthy, elle traite du corps et de la pensée en prise avec la difficulté de la survie en des travaux essentiels allant au delà du freenoise et de la musique industrielle. Cette partie-premère s’annonce comme une rencontre historique.
À écouter “Rudolf Eb Er and Kouhei” (Para Disc), John Duncan et Max Springer “The Crakling” (Trente Oiseaux/Metamkine) Zbigniew Karkowski “Consciously Unconscious” (Metamkine)
Plus d’infos : ffss.info, www.fylkingen.se/f_karkowski, www.tochnit-aleph.com/asshole/index.html, www.johnduncan.org